Faire mémoire …

calice et patèneQuand vous êtes allés à la messe, quelques fois seulement ou des milliers de fois peut-être, vous avez obéi à Jésus qui prescrit de « faire cela en mémoire de lui ». Peut-être en avez-vous retiré un bienfait ? Peut-être vous n’avez pas pu mettre de mots sur ce qui s’est passé en vous !

Vous avez sûrement fait l’expérience de rencontrer les autres, d’écouter et de répondre, de prendre le pain … Vous vous êtes rendu compte que les attitudes et les gestes des chrétiens ne sont pas étranges puisqu’ils reprennent les comportements de tous les hommes. Pour les relations à Dieu, l’action liturgique – action de l’Esprit du Christ – s’appuie sur des actes qui appartiennent aux relations humaines.

Cet article, qui s’inscrit dans une série d’articles qui commence avec ce numéro de la revue Célébrer, voudrait expliciter l’expérience du dialogue avec Dieu que vise le rituel de la messe.

Faire mémoire

Vous savez que votre identité dépend pour une part de votre mémoire. Parce que vous vous souvenez des moments heureux, des souffrances partagées, des dialogues profonds,… vous vous connaissez vous-mêmes et, en même temps, vous voyez la place que vous tenez dans vos groupes humains. En revanche, la personne dont la maladie affecte la mémoire n’est plus reliée au passé qui la structure : l’amnésie fait disparaître les repères d’identité et perturbe les relations.

Qu’en est-il de cette expérience dans la liturgie ? Vous constatez que l’amnésie est l’ennemie de l’homme et donc du croyant ; le péché coïncide avec l’oubli de l’amour de Dieu. Vous comprenez que, pour sauver l’homme croyant, la liturgie chrétienne met en œuvre des outils de mémoire. Et particulièrement ceux dont use toute société.

Le calendrier

De même que vous conservez votre identité de citoyens et les valeurs patriotiques en participant aux fêtes nationales, de même le peuple de la Bible conserve la mémoire des « merveilles » de Dieu par ses fêtes. Grâce à Pâques – célébrée au printemps et chaque dimanche – vous évitez d’oublier que le Christ aime les hommes jusqu’à mourir et ressusciter pour eux. En célébrant Noël, vous empêchez l’oubli du mystère de la présence de Dieu en l’homme. Et la Pentecôte, vous permet d’imprimer en vous la foi en l’Esprit saint.

Les symboles

Comme votre gâteau d’anniversaire rend présente et tangible la réalité spirituelle de vos amitiés, que le drapeau national fédère les citoyens, que le trophée sportif réunit les équipiers…, les symboles chrétiens rendent présent le Christ et son œuvre de salut. Grâce à l’eau du bénitier, vous rappelez votre baptême et votre intégration à la communauté ; en écoutant les paroles bibliques vous souscrivez à l’alliance faite avec les pères ; en prenant part au partage du pain, vous devenez « complices » du Christ pour qui l’homme réussit sa vie quand il la donne… De plus, en faisant usage de ces symboles, vous renforcez votre union à la communauté et votre attachement aux valeurs morales et spirituelles présentes dans l’œuvre et la personne du Christ.

Le mémorial rend présents et efficaces les actes du Christ ; par lui ils ne sont plus des actes passés mais ses actions aujourd’hui : « Aujourd’hui les mages apportent leurs présents, l’eau est changée en vin… » dit une antienne de l’épiphanie. Grâce au mémorial, Dieu poursuit son dialogue avec les hommes.

Pour réfléchir ensemble

1. Relisant votre histoire, repérez les événements dont il est indispensable que vous vous souveniez parce qu’ils ont contribué à forger votre personnalité et votre rapport au monde.

2. Voici quelques pensées susceptibles d’amorcer la réflexion sur l’aptitude des rites de la messe à « faire mémoire » :

  • « Malgré les guerres, les drogues et les injustices, je regarde le monde avec espérance grâce à la messe : elle rappelle que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils ».
  • « Il m’est difficile de continuer de faire confiance à des personnes qui m’ont déçu ; mais je m’y sens appelé parce que la messe me redit que le Christ a donné sa vie pour elles autant que pour moi. »
  • « D’après la publicité, la réussite est dans l’acquisition de mille choses ; la messe, au contraire, situe la réussite dans l’offrande de tout et surtout de soi : « mon corps livré pour les autres. » – « Le geste de la fraction du pain me rappelle notre vocation à faire en sorte que tous aient à manger. »

En équipe (ou seul), vous pourrez passer en revue les rites de la messe en cherchant comment chacun d’eux vous aide à faire mémoire du Christ et de son passage en votre vie : que réveille en vous l’acte de tracer sur vous la croix avec et sans l’eau bénite, de chanter tel chant avec toute l’assemblée, de marcher en procession, de réciter le credo, d’apporter à l’autel le fruit de la terre et du travail, de participer à la prière eucharistique, de manger le même pain que des inconnus… ?

3. Éprouvez-vous qu’en faisant mémoire du Christ, vous ne le considérez pas comme un être du passé, mais comme celui qui dialogue aujourd’hui avec vous ?

4. Le mémorial du passé permet de regarder le présent et l’avenir avec espérance. Ainsi, pensez-vous que si le Christ a donné sa vie hier, il vous la donne aujourd’hui, et il vous la donnera demain ?

Trois conclusions se dégagent déjà

  • En ordonnant de « faire mémoire de lui », Jésus fait faire une expérience spirituelle humaine de réappropriation de notre identité… et une expérience spirituelle chrétienne de réappropriation de son œuvre.
  • Le cœur du mémorial, de l’anamnèse, c’est l’annonce de la présence du Christ mort, ressuscité et qui a promis de venir.
  • Quand les fidèles font mémoire ensemble et qu’ils font usage des symboles, ils fortifient les liens qui les unissent.
Article extrait de la revue Célébrer n°355, octobre 2007

Approfondir votre lecture

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    Quand nous entendons le Christ dire aux apôtres « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils seront remis » (Jean 20, 23), il nous semble évident que ces paroles affirment l’institution du sacrement de pénitence et de réconciliation.

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