Célébrer des baptêmes vraiment communautaires

Baptistère de l'église Notre-Dame des Anges à Bordeaux (33)

Baptistère de l’église Notre-Dame des Anges à Bordeaux (33)

Il y a quelques années, plusieurs responsables diocésains de la pastorale du baptême en région apostolique Nord se réunissaient pour un atelier de travail « Célébrer des baptêmes communautaires ».

Le fait d’un travail pastoral concret mené en région est à souligner : nous avons intérêt à regrouper nos forces, d’autant que les questions sont souvent les mêmes. De plus, les familles qui demandent le baptême pour leur enfant ont parfois du mal à accepter les différences de pratique d’un diocèse voisin à l’autre.

L’atelier s’est immédiatement intéressé à la dimension communautaire des célébrations de baptême. Plus exactement, la première question portait sur les baptêmes regroupés et la difficulté pour certains de « gérer » de telles assemblées. Mais très vite, l’enjeu nous est apparu beaucoup plus considérable, celui de la dimension communautaire de nos célébrations baptismales. Du point de vue de la réflexion, nous n’avons pas de mal, entre nous, à insister sur une telle dimension, mais qu’en est-il de la pratique, de la manière dont nous célébrons. La liturgie – c’est à dire l’action qui est menée avec l’assemblée – est elle-même un lieu théologique, un lieu qui « fait saisir » ce qui est en jeu dans la foi.

Une célébration de toute l’Église

La question délicate à laquelle nous sommes confrontés est que la plupart des familles envisagent la célébration du baptême d’un des leurs comme une affaire purement familiale, voir privée, alors que nous la considérons surtout comme ecclésiale. La négociation avec les demandeurs est même parfois difficile. Heureusement, la rencontre de la famille, la préparation au baptême permettent d’accueillir en vérité la demande et de favoriser une progression en cheminant un peu avec les parents.[1]

Aider les familles à passer d’une approche privée du baptême à une approche communautaire demande des efforts de chacun. Par exemple, s’il est bon d’associer la famille à la préparation de la cérémonie, il convient de dialoguer avec eux sur la lecture à choisir, le chant, la prière, etc. Parce que cela ne concerne pas que la famille, mais aussi la communauté chrétienne !

Certains ont trouvé astucieux de faire entrer les familles avant la fin de l’assemblée eucharistique qui précède. Il est vrai que cela permet un minimum de relation. Cependant, on peut s’interroger sur l’image laissée à ceux qui ne sont pas des habitués de nos églises : après qu’ils ont été présentés à l’assemblée (la réciproque est-elle vraie ?), on fait sortir tout le monde ! C’est un peu comme si on leur disait : maintenant, cela ne les concerne plus !

Heureusement, aujourd’hui, dans de nombreuses paroisses on s’attache à ce que les personnes qui accompagnent les familles soient présentes à la célébration. Pas forcément pour animer – cela demande une autre compétence – mais pour être là, avec eux. Dans le même esprit, certains demandent à quelques fidèles de venir et de représenter l’assemblée dominicale …

Célébrations communautaires de plusieurs baptêmes

Le baptême de plusieurs enfants au cours de la même célébration dominicale permet de mettre en évidence la dimension communautaire du baptême chrétien : il y a plusieurs familles, et l’on doit tenir compte de chacune d’elle. Avec le nombre, il est souvent plus facile de demander le concours d’autres personnes de la paroisse (organiste, chanteur, animateur, …) Généralement les parents ont pu se rencontrer déjà au cours de la préparation, et le choix des textes, chants, prières, a été plus objectif, même si on a essayé de tenir compte un peu de l’avis de chacun. Dans les paroisses où les baptêmes se célèbrent ainsi, avec plusieurs familles, on peut considérer qu’il y a une réelle avancée dans la perception de la dimension communautaire du baptême.

L’une des difficultés persistantes, et qui en fait renoncer quelques-uns uns, tient à la mise en œuvre de la célébration elle-même, à l’assemblée nombreuse, au bruit, etc. Il est vrai que, le plus souvent, ces baptêmes sont effectués successivement, presque comme une suite de baptêmes individuels, même s’il y a des temps communs comme la liturgie de la parole. Il ne saurait être question d’un « arrosage généralisé » pour baptiser tout le monde en même temps ! Mais nous avons encore à réfléchir et à travailler pour que nos célébrations baptismales soient vraiment communautaires et pas seulement collectives. C’est à ce travail que l’atelier régional s’est attelé, à partir de quelques expériences vécues. Les lecteurs de Célébrer ne manqueront pas d’être informés de ses principales conclusions dans les mois qui viennent.

Quelques expériences intéressantes …

  • La célébration du baptême de plusieurs personnes d’âges différents au cours de la même liturgie. C’est le père Delaporte, archevêque de Cambrai, qui l’a préconisé dans son diocèse. Le baptême de bébés, d’enfants, de jeunes et d’adultes dans la même cérémonie apporte immanquablement une dimension communautaire plus affirmée.
  • La célébration de fête baptismale, rassemblant un grand nombre d’enfants à baptiser, et des membres de l’assemblée dominicale. Un peu sur le modèle des célébrations de confirmation. Là aussi, quelques expériences où 20 à 25 enfants ont été baptisés dans la même célébration, avec la présence de deux (ou même un seul) ministres ordonnés et d’une équipe, ont été vécues très positivement. Cela demande une préparation soignée, une attention aux familles, une présence de membres de la communauté active de la paroisse, une animation festive, etc.

Quelques questions pour avancer …

  • Quelle place est faite, dans la célébration des baptêmes, à des membres de la communauté active locale ? Sont-ils invités ? Comment sont-ils associés à la célébration ?
  • Comment peut-on aider les familles qui demandent le baptême à saisir que celui-ci conduit à l’eucharistie et à la communion ecclésiale ? Comment le faire sans discours, mais en actes, dans nos manières de célébrer les baptêmes ?
  • Comment sommes-nous accueillant à chacune des familles, lors de la célébration, et en même temps attentifs à ce qu’ils puissent s’accueillir les uns les autres ? Quel rôle jouent alors les personnes qui les ont accompagnées dans la préparation ?
  • Quelle place est donnée aux enfants présents et qui risquent de faire du bruit ? Est-ce que quelqu’un s’occupe d’eux ? S’agit-il d’une garderie pour les distraire ou de les associer, à leur manière selon ce qu’ils sont, à ce qui est en train de se passer pour leur petit frère ou petite sœur ?
  • Comment envisager la participation active de l’assemblée sans confier systématiquement le choix ou la lecture de tel texte (ce qui n’est pas acceptable dans le cas de baptêmes en grand nombre) ? Comment articuler, dans ce cas, la préparation à la célébration ?
  • Comment ne pas rallonger excessivement la célébration lorsqu’il y a plusieurs enfants à baptiser, et mettre en valeur les gestes principaux qui s’adressent à chacun ?
  • Comment est mis en valeur le lieu du baptême, comme lieu mémoire en dehors de la célébration baptismale ? Ne peut-on y inscrire clairement l’entrée dans la communauté chrétienne des enfants baptisés ?

Par Philippe Barras, à l’époque directeur-adjoint de l’ISL, du CIPAC de Lille et directeur de rédaction de La Maison-Dieu.

[1] Voir « Points de repère en pastorale sacramentelle, Les sacrements de l’initiation chrétienne », Documents épiscopat n°10-11 de juin 1994, repris dans « Pastorale sacramentelle », coll. Liturgie n°7, éd. Du Cerf.

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