Le tabernacle, lieu de la présence

Tabernacle de la Chapelle de la Communauté des filles de Saint Paul par Bernard Leone

Tabernacle de la Chapelle de la Communauté des filles de Saint Paul par Bernard Leone

Par le père Norbert Hennique, ancien directeur du département art sacré 

Le mot « tabernacle » provient du latin tabernaculum qui signifie « tente ». Son emploi liturgique rappelle « la Tente de la rencontre » où Dieu rencontrait son peuple au désert. Moïse entre dans la tente quand il veut consulter le Seigneur, obtenir de lui une parole pour le peuple, « Le Seigneur ayant achevé de parler avec Moïse sur la montagne du Sinaï, il lui donna les deux tables de la charte, charte de pierre, écrite du doigt de Dieu » (Ex 31, 18), ou inversement pour intercéder en faveur de son peuple, (Nb 14), ou encore pour converser avec Yahvé, « Le Seigneur s’entretenait avec Moïse face à face, comme un ami parle à son ami » (Ex 33, 11).

Dans nos églises et chapelles, le tabernacle est enveloppé par le « conopée » (du grec chonopeion, moustiquaire) qui accentue ce symbolisme de la rencontre. Il rappelle la tente de l’Exode, lieu de présence invisible de Dieu et lieu de la rencontre avec le peuple élu. Le conopée peut avoir les diverses couleurs des ornements liturgiques.

Dans l’usage actuel, le ciboire conserve les saintes espèces. Primitivement et jusqu’au XIIIe siècle, l’eucharistie était conservée dans une boîte en bois appelée pyxide.

Pour la vénération par les fidèles du Saint Sacrement, on peut exposer le ciboire ou un ostensoir dans lequel une lunule aura été placée. Les ciboires et la lunule sont déposés dans le tabernacle.

Dès la plus haute antiquité, avant que s’élabore le culte eucharistique, le pain consacré était conservé pour procurer ce réconfort unique aux fidèles qui vont mourir. Les paroles du Christ justifiaient cette pratique « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 54).

La réserve eucharistique sera aussi destinée à porter la communion aux malades ou aux personnes âgées empêchés de participer à l’assemblée eucharistique. « Si l’on conserve l’Eucharistie en dehors de la Messe, c’est en premier lieu et dès l’origine pour administrer le Viatique (communion portée aux mourants). En second lieu, c’est pour distribuer la communion et adorer notre Seigneur Jésus-Christ présent dans le Sacrement. En effet, la conservation des saintes espèces pour les malades a amené la coutume d’adorer le pain du ciel conservé dans les églises » (N° 5).

« Jusqu’au début du XIIe siècle, on ne trouve aucune trace du culte eucharistique qui devint l’une des grandes richesses de la tradition liturgique occidentale. Cette pratique se fonde sur une donnée de foi aussi ancienne que l’Église chrétienne : la permanence de la réalité du corps et du sang du Seigneur dans le mystère de la Cène… Ce qui apparaît au moyen âge et ne s’est pas manifesté en Orient, c’est un ensemble de pratiques nouvelles enracinées dans cette antique croyance.

Les moines de Cluny, avant le XIe siècle, avaient commencé à s’incliner devant la sainte réserve et, peu après, à faire brûler des lampes près des lieux où on la conservait. Et l’on sait l’influence qu’ils ont exercée dans toute la chrétienté. Cela convergeait avec les courants qui, dans la célébration de la messe, ont mis en valeur le fait de voir l’hostie. » (Mgr Martimort, L’Église en prière, tome Il.)

Attestée très tôt en Occident, dès le IVe siècle, les colombes eucharistiques sont mentionnées comme éléments du mobilier liturgique de nombreuses églises dont Saint-Denis et Cluny.

A l’intérieur, les saintes espèces étaient enveloppées dans un tissu de lin assimilé au linceul du Christ ou placées dans une pyxide ou custode (boîtes à hosties). Les colombes eucharistiques, en cuivre, en argent ou en or, furent fabriquées en grande quantité par des ateliers limousins et vendues dans toute l’Europe au XIIIe siècle. En certains lieux, elles sont encore en usage aujourd’hui.

Les préliminaires du Missel Romain de Paul VI apportent les précisions suivantes « Il est fortement recommandé que l’endroit où l’on réserve la sainte Eucharistie se trouve dans une chapelle favorable â la prière privée des fidèles. Si ce n’est pas possible, en fonction des données architecturales de l’église, on mettra le Saint Sacrement, soit sur un autel, soit en dehors d’un autel à une place d’honneur, décorée. » Le Rituel de l’Eucharistie en dehors de la Messe ajoute « La présence de la sainte Eucharistie dans le tabernacle sera signifiée par un conopée ou autrement…

Devant le tabernacle dans lequel est conservée la sainte Eucharistie une lampe sera continuellement allumée pour signifier et honorer la présence du Christ. Selon la tradition reçue, ce sera, autant que possible, une lampe d’huile ou de cire. La beauté du tabernacle, sa porte précieuse et décorée, son conopée, l’emplacement choisi, son ornementation, son luminaire, tout doit concourir à orienter l’attention vers cette présence. »

Tout en reconnaissant l’adoration eucharistique, les précisions de cette page du vocabulaire liturgique sur le tabernacle ne doivent pas faire oublier les notes pastorales du rituel qui soulignent que « le pain eucharistique a été institué par le Christ pour être mangé » et que le culte rendu au Saint Sacrement doit « apparaître clairement dans la relation qui l’unit à la messe ».

Le Tabernacle, cette porte du ciel ouverte sur la terre …

– Jacques Maritain

L’illustration de l’article est une photographie du tabernacle de la chapelle de la Communauté des Filles de Saint-Paul à Villeurbanne. L’artiste qui a réalisé l’ensemble du mobilier liturgique de la chapelle est M. Bernard Leone.

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