À propos des concerts dans les églises

Par le SNPLS

Fréquemment sollicitées pour mettre à la disposition d’organisateurs de concerts leurs églises paroissiales, les communautés chrétiennes et leurs pasteurs hésitent souvent sur la conduite à tenir. Pour aider au discernement pastoral qui s’impose en ce genre de circonstances et dans le contexte français, voici quelques règles posées par notre Église pour la tenue de tels concerts et l’esprit dans lequel ces dispositions ont été prises.

On notera tout d’abord que même si, en France, un nombre considérable d’églises (en fait, la quasi-totalité des églises construites avant 1905) sont propriétés communales, les curés ne sauraient se démettre de leurs responsabilités quant à l’usage qui est fait de ces édifices cultuels. En effet, dans le cas d’une église qui est propriété communale, la Loi de Séparation entre les Églises et l’État du 9 décembre 1905 et du 2 janvier 1907 stipule que le curé nommé par l’évêque en est l’affectataire. Il est donc habilité à prendre toutes décisions conformes au Droit tant canonique (on se reportera en particulier aux canons 1210, 1213 et 1222) que civil. Par ailleurs comme le dit explicitement la Loi du 9 décembre 1905, les églises sont affectées exclusivement au culte « de façon permanente, intégrale et exclusive ».

D’une manière générale, disons d’emblée qu’une église – qu’elle soit propriété communale ou paroissiale – ne saurait être considérée comme n’importe quelle salle de concert.

Cette conviction habite les quatre textes d’Église qui traitent de la question et qui constituent comme la « loi » de l’Église catholique en la matière suivie de ses « décrets d’application ». Nous les présentons ci-dessous rapidement.

Il s’agit de :

  • Les concerts dans les églises. Éléments de réflexion et d’interprétation des normes canoniques (5 novembre 1987). Texte préparé par la Congrégation romaine pour le Culte divin. C’est la « loi ».
  • Les concerts dans les églises. Directives pour l’Église de France (13 décembre 1988). Texte adopté par le Conseil permanent de l’épiscopat français. C’est le premier « décret d’application ».
  • Les concerts dans les églises. Présentation commentée de la loi romaine par l’archevêché de Paris le 29 avril 1988.
  • Concerts dans les églises. Ou deuxième décret d’application relevant de la Commission épiscopale de liturgie en date du 19 mai 1999.

Ces documents constituent avant tout une véritable réflexion de l’Église à l’égard de la musique sacrée en même temps qu’un instrument de discernement et de travail pour mettre en place une régulation des concerts dans une église.

1. Présentation du document romain de 1987

Ce document se montre au fait des nombreuses demandes adressées aux paroisses pour mettre leurs églises, lieux habituels du culte, à la disposition de formations musicales pour la tenue de concerts.

Il dit clairement que nous ne saurions donner d’autorisations permanentes d’une part, mais que nous n’avons pas non plus à refuser sans donner un avis motivé.

En tout état de cause, seule l’autorité ecclésiastique est habilitée à « exercer librement ses pouvoirs dans les lieux sacrés » (canon 1213 du Code de Droit canonique de 1983).

Nous sommes conscients que les églises sont souvent demandées parce qu’elles offrent un espace qui semble approprié (taille, acoustique, lieu en rapport avec le style de musique interprétée).

Il convient de rappeler que les églises en tant que bâtiments servent d’abord de lieu de rassemblement du Peuple de Dieu et de célébration des sacrements et autres actions liturgiques. Il ne s’agit donc pas de lieux « publics » disponibles pour des réunions de tous genres. Pour les chrétiens ces lieux sont sacrés, donc d’une certaine manière « mis à part » pour le culte chrétien. En ville, tout particulièrement aujourd’hui, nous savons que de pareils espaces de silence et de paix sont recherchés par beaucoup. Pour que ces différentes fonctions de l’église soient honorées, il est clair que nous devons veiller à l’identité de ce lieu.

Le texte romain commente le canon 1210 du Code de Droit canonique qui stipule de respecter le caractère sacré de l’église en excluant a priori ce qui ne relève pas du culte. On ne devrait donc admettre à l’église en matière musicale que la musique à caractère liturgique (donc prenant place dans la célébration liturgique).

Il est vrai que le champ d’exécution peut s’avérer aujourd’hui restreint depuis la réforme conciliaire qui a voulu d’abord favoriser la participation des fidèles plutôt que l’écoute d’une schola ou de l’orgue. C’est pourquoi l’on peut envisager, et selon certaines conditions, la tenue de concerts de musique dite sacrée en dehors des célébrations liturgiques. On pourrait ainsi imaginer que certains concerts, dans la mesure où ils sont en rapport avec le temps liturgique, peuvent avoir leur place. On pourrait encore admettre certains concerts toujours de musique sacrée surtout s’ils créent un climat de beauté et de méditation ou s’ils contribuent à maintenir vivant les trésors de la musique de l’Église (n°9).

Le paragraphe 8 du document se montre très clair en ce qui concerne les autres genres de musique :

« Il n’est pas légitime de programmer dans une église l’exécution d’une musique qui n’est pas d’inspiration religieuse et qui a été composée pour être exécutée dans des contextes profanes précis, qu’elle soit classique ou contemporaine, d’un haut niveau ou populaire : cela ne respecterait ni le caractère sacré de l’église ni l’œuvre musicale elle-même, qui serait exécutée dans un contexte qui ne lui est pas naturel. »

Le paragraphe 10 en vient à des dispositions pratiques pour aider à répondre aux éventuelles demandes :

On répondra toujours au cas par cas. On ne donnera jamais d’autorisation permanente.

On exigera toujours en temps utile de présenter une demande écrite précisant d’emblée la date et l’heure du concert envisagé ainsi que le programme des auteurs et œuvres.

Après avoir obtenu l’autorisation donnée par le curé, l’église pourra être utilisée selon les conditions suivantes : l’entrée de l’église demeure libre et gratuite.

On adoptera une tenue et un comportement convenant au caractère sacré du lieu.

On n’occupera jamais le chœur de l’église et on respectera en toute circonstance l’autel, l’ambon et le siège du célébrant.

Le Saint Sacrement aussi sera respecté voire transféré en un autre lieu.

Le concert (toujours de musique sacrée) sera assorti de commentaires permettant de le situer dans la tradition spirituelle.

Enfin, les organisateurs assumeront par écrit la responsabilité civile, les dépenses, la remise en ordre de l’édifice, la réparation des dégâts éventuels.

2. Présentation du document du Conseil permanent de l’Épiscopat français

Ce texte se présente, nous l’avons dit plus haut, comme un « décret d’application » de la loi. Il n’hésite donc pas à dire que l’on « acceptera en priorité et on facilitera même les concerts d’œuvres faisant partie de la tradition musicale de l’Église universelle. » (n°5)

On pourra même « accueillir d’autres types de musiques, de façon occasionnelle, du moment qu’elles ne s’opposent pas au caractère particulier du lieu. » (ibid.)

Toutefois « on fera en sorte que l’église ne puisse jamais être considérée comme une salle de spectacles ordinaire. » (ibid.) Ce dernier point est accompagné d’une note renvoyant à la Loi de Séparation de décembre 1905 (article 13) stipulant justement que la « désaffectation » du lieu de culte pourrait être prononcée « si les édifices sont détournés de leur destination ». Or, la destination telle que l’a prévue la loi est strictement cultuelle comme on le sait. Il faut donc y veiller expressément.

Les autres points abordent en premier lieu l’avis technique concernant « la conservation et la sécurité du bâtiment pour des manifestations de ce genre (concerts). » (n°6)

Le curé affectataire doit donc disposer de cet avis (rendu habituellement par la Commission de sécurité) pour autoriser les manifestations autres que les assemblées liturgiques à l’intérieur de l’église.

En second lieu la question de l’accès libre et gratuit de l’église : l’Église est tout à fait consciente que cela ne doit pas empêcher la juste rétribution d’artistes, « c’est pourquoi les organisateurs des concerts se doivent de trouver les sources de financement permettant de rétribuer, comme il convient, les différents interprètes ou artisans de la manifestation. » (n°8)

Enfin, les évêques considèrent que si l’on doit refuser les concerts n’ayant pas à leur programme de la musique sacrée, cependant les « concerts spirituels qui peuvent comporter des lectures, des prières ou des moments de méditation silencieuse peuvent prendre place dans les églises. »

La note 12 du document épiscopal rappelle qu’un règlement rappelant les exigences auxquelles les organisateurs et participants se soumettent librement sera bien utile.

3. La note de l’Archevêché de Paris

Cette note n’hésite pas à revenir sur l’article 13 de la Loi de Séparation à propos de la désaffectation éventuelle des lieux de culte. Si le clergé affectataire n’est pas libre d’y organiser n’importe quelle activité en dehors du culte, on peut estimer bien entendu qu’il en va de même pour la collectivité propriétaire (une commune par exemple) ou ceux qui s’y rattachent. Ceci doit donc être examiné avec attention de peur d’enfreindre la Loi.

La note précise que la gratuité des concerts a pour but de garantir l’accès libre du bâtiment église et le caractère non commercial des activités s’y déroulant. Ceci ne supprime pas la possibilité d’une quête au cours du concert. L’expérience montre qu’une quête annoncée clairement durant un entracte ou la proposition de programmes qui peuvent être payés assurent une rentrée d’argent permettant de faire face aux frais engagés par l’organisateur.

La note se montre enfin très claire sur la question des matériels et équipements qui pourraient être entreposés dans l’église. Nous la citons :

« La mise en place d’équipements lourds (estrades, praticables, colonnes de sonorisation, dispositifs d’éclairage) demandant des jours d’installation, suffit à transformer une église en salle de spectacle : même pour l’exécution d’œuvres »religieuses« à des fins même très louables, ce détournement doit être, normalement, refusé. Car l’assimilation de l’édifice religieux à un simple équipement culturel est d’autant plus tentant que, pour beaucoup, le phénomène chrétien est en voie de liquidation. »

On ne peut être plus clair !

4. La circulaire de la Commission épiscopale de Liturgie et de Pastorale sacramentelle

Ce dernier texte, tout récent puisqu’il date du 19 mai 1999, voudrait compléter le travail du Conseil permanent des évêques remontant maintenant à plus de dix ans. Il s’agit d’un document à remettre si possible aux maires ou responsables d’associations souhaitant organiser des concerts dans les églises.

Avant de légiférer la commission désire rappeler que les bâtiments d’Église ont pour vocation « la pratique de la religion catholique » (no. 3). Cela va sans dire …

L’Église se veut attentive à la culture, ce qu’elle a toujours fait et elle se veut accueillante aux associations qui la sollicitent pour la tenue de manifestations à caractère culturel. Notons qu’une association visant à « l’entretien ou la restauration d’un orgue » pourra bénéficier d’une hospitalité toute particulière ce qui n’est pas étonnant. Les autres demandes ne sont pas pour autant a priori rejetées.

Ainsi, une paroisse « pour rendre service à la communauté locale quand l’église apparaît comme le seul endroit possible (en raison de sa capacité d’accueil, de son orgue, etc.) » (no. 4) peut répondre favorablement. Pourtant, la commission tout en se montrant ici extrêmement ouverte précise immédiatement que les demandes de concerts « sont inacceptables quand l’utilisation de l’église a pour seul but d’économiser la location d’une salle ou d’éviter la construction d’un local adapté. » (ibid.)

Le document épiscopal redit ensuite qu’une demande en bonne et due forme doit être adressée au curé affectataire de la paroisse avant tout concert envisagé.

On vérifiera que le demandeur est bien assuré (Responsabilité civile biens confiés), que l’entrée dans l’église demeure habituellement libre et gratuite, enfin, la paroisse « doit être obligatoirement dédommagée des frais occasionnés… lorsque ceux-ci sont couverts par la paroisse ». (no. 5 et 6)

L’enjeu pastoral doit être pesé ; en cette matière deux mots le résument : respect du bâtiment église et accueil bienveillant.

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